Monsieur B.

Monsieur B. Texte : Françoise Laurent - Image : @Anne Perret

Campé dans son confortable canapé de cuir
Monsieur B, béat, attend son bonheur
un point de ciel bleu dans les yeux.
Il se prépare, empli de certitude dodue, joufflue, guette son heure
et tourne en rond dans son bel habit bordeaux.
Pas bavard, un peu buvard sous l'aquarelle baveuse
Monsieur B attend sa dulcinée.
Métronome, les secondes tombent, régulières, et trouent le temps.
Patient, Monsieur B attend. Détendu.
... Mais point de dulcinée.
Chaque seconde d'espoir vain choit sur lui, sur la rondeur de son corps
comme un plein sur le vide, sur l'absence.
Monsieur B se mine. Se chagrine, mine de rien.
Mais sourit encore.
Il compte, égraine les petits poids de son cœur qui devient lourd :
Soupir.
Attentif, il scrute. Est-ce elle ?
Pas elle.
Et le temps ronge l'espace bien rangé de Monsieur B, perçant à jour "Des p'tits trous toujours des p'tits trous..."
Obtus, Monsieur B ne les voit pas.
Ils approchent pourtant, dans son dos, sauts de puces, trous de mite, presque réguliers, presque presque, qui grignotent déjà le coin cossu de son fauteuil, la sagesse badine de son émoi.
Rond à rond, mot à mot, pas à pas, pas de doute.
Déjà, le décor pleut sur lui en boutonneux confettis.
Impassible, Monsieur B l'ignore.
Espère encore.
Puis se morfond de l'intérieur, se confond à l'extérieur. Crunch... crunch... crunch... crunch... crunch... crunch... crunch... crunch...
L'espoir fond, la certitude s'émiette, Monsieur B a compris.
Perforation du cœur : Elle ne viendra plus.
Bientôt, lui-même ne sera plus que vide, morceaux éparpillés quand les troooooooous l'attaquerooooooont à soooooooooon toooooooooooour...........
Ce qui ne saurait tarder.
Sans lendemain, Monsieur B n'attend plus rien. Résigné.
Pauvre Monsieur B qui s'était fait bigrement beau !
Déçu, déchu de son statut, il n'est plus désormais qu'un banal bonhomme de papier qui finira froissé, déchiré, déchiqueté et balayé...
A la poubelle, Monsieur B. ! Vous avez fait votre temps !