Goutte d'eau

Goutte d'eau - Texte : Françoise Laurent - Image : @Anne Perret
... elle se fit goutte d'eau, embrun de brume, son corps devint léger léger, une parfaite lucidité gagnait son esprit, translucide, elle savait qu'il lui faudrait remonter le temps, à l'assaut d'un autre corps, à la conquête d'une autre tiédeur, elle sentait bien ses os rapetisser, sans que cette transformation ne lui occasionne la moindre douleur, elle fondait, flocon flottant dans les stratosphères réchauffées des cieux cotonneux, elle tendait à l'essentiel, s'y rassemblait en une énergie partie du ventre, qui la faisait bulle d'air, boule de feu, de couleur, elle devint terre, elle devint souffle, elle devint centre et extension du monde, elle re-devint ce qui était à venir, un embryon de vie, d'espoir, puis au-delà encore, elle sentit sa chair se partager, s'éclater en millions de particules, sans que cela, une fois de plus, ne lui occasionne la moindre douleur, le moindre regret, bientôt, elle ne serait plus qu'un point, un pigment de l'univers, elle atteindrait le tout, elle deviendrait le tout, projetée dans les nuages en une explosion de cellules satellites, éther aspirée au creux de la passion, alchimie fluide et transparente naviguant sur le fil de l'espace, un peu fantôme, un peu fumée, hémorragie concentrée coulant à flot dans les veines du désir, elle savait qu'à frôler l'éternel on risque l'asphyxie, mais elle voulait, contre toute raison, caresser la presque inexistence, elle voulait voler ainsi, défier le sort, laissant couler de sa tête le sable des contraintes qui tentaient, ultime espoir, de la maintenir rivée aux lois de la pesanteur, désormais, elle se replierait, s'enroulerait sur elle-même, escargot réfugié en sa coquille de silence, d'émotion, de sensations à fleur de peau, une musique infinie résonnait à l'intérieur de ses chairs, vibrait à ses extrémités, et jusqu'à la pointe des cheveux, mais déjà ceux-ci s'étaient dissous, dilués par les profondeurs abyssales d'une inévitable fusion de l'être et du non être, sans retour, sans aucune sorte de regard sur le passé, juste une tension tendre et démoniaque, une attention à la limite du supportable mais à laquelle, elle le savait, le savait depuis la nuit des temps, elle n'aurait pu, n'aurait voulu se résoudre à résister, elle se fit donc spirale...

 

 

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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